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6 décembre 2010 1 06 /12 /décembre /2010 00:05

foto Nera blog

UN CONTE DE NOËL

 

 

Román, un monsieur âgé vivait seul dans un petit village. Son épouse faisait partie du passé depuis qu’elle avait quitté ce monde et Marga, l’unique descendante, après s’être mariée, était allée vivre dans un village des alentours.

 

Deux ans auparavant, Marga avait fait cadeau à son père d’une petite chienne abandonnée, qu’elle avait recueillie en chemin, afin que celle-ci lui tienne compagnie dans sa solitude. Ils l’appelèrent Nera, à cause de la couleur de sa robe.

 

Román et Nera étaient inséparables. Le voisinage ne mit pas long à s’habituer de les voir se promener et échanger des messages qu’eux seuls comprenaient. La chienne lui faisait des bisous et Román lui répétait :

 

-       Jamais je ne t’abandonnerai !

 

Román était heureux, Nera était heureuse. Pourtant, la santé capricieuse du monsieur était motif de soucis chaque fois plus fréquents. Cela présageait l’arrivée de la Grande Faucheuse, prête à baisser le rideau de l’existence. Et lorsque cela arriverait, qu’en serait-il de sa petite chienne ?

 

Un matin, à l’aube, Román éprouva de la difficulté à respirer et son corps ne répondait plus. Une faiblesse inopinée associée à des nausées et des vomissements lui causèrent un mal être général. Des voisins le conduisirent à l’hôpital le  plus proche. Il y fut admis d’urgence. Marga vint le voir dans l’après-midi. Son père n’allait pas bien du tout.

 

-       Ma fille, prends chez toi Nera, je ne veux pas qu’elle reste seule.

-       Mais papa, tu verras, tout va s’arranger, tu guériras et tout rentrera dans l’ordre.

 

Marga exauça les vœux de son père. Elle prit la chienne et la laissa aux soins d’un membre de la famille de son époux.

 

Nera se sentit seule. Qui étaient ces gens ? Pourquoi l’avait-on amenée dans cet endroit ? Où était Román ?

 

Román, vaincu, finit par rendre les armes. Comme un pétale fané, il mourut sur son lit d’hôpital. Ses jours s’achevèrent d’un coup, faisant la nique à la souffrance. Il s’en alla sans que la douleur physique n’altère son calme.

 

Nera ne savait pas que son ami avait quitté ce monde.

 

Román fut enseveli sous un arbre centenaire. Le cimetière de son village serait sa demeure éternelle. Une tombe tout simple, qui pourtant gardait l’empreinte de ses adieux. L’automne  était sur le point de céder sa place à l’hiver.

 

Au lever du jour, Nera fugua. En silence, elle s’engagea sur la route. Elle ne fit aucune pause sous le matin tiède. Son corps chancelait sous les rafales de vent produites par les voitures qui la croisaient. Elle parcourut ainsi une quarantaine de kilomètres alternant clarté et hombres, solitude et mutisme. Avec pour unique désir, celui d’atteindre son but. Román l’attendait. Le périple s’acheva à force d’asphalte ennemi.

 

Alors qu’elle pénétrait dans le village qu’elle connaissait si bien, la nuit déployait ses noirs rideaux tels une parenthèse nocturne. Nera prit le chemin de la maison. Les portes de même que les fenêtres semblaient fermées. Aucune lumière, aucun bruit. La maison respirait au son du silence, comme figée dans un bâillement de repos angoissant. Un halo énigmatique l’enrobait à l’effigie d’une poisseuse sensation de néant. La solitude gagnait du terrain et s’appropriait des espaces vaincus. Román dormait-il ? ou était-il en train de se promener ? Nera se coucha devant la porte. Bientôt la fatigue appela le sommeil et le sommeil se cristallisa en repos. Le lendemain matin, un soleil blafard, sans envie, fit son apparition, comme si la planète tout entière vacillait, vaincue. Román n’était pas de retour ?

 

La chienne se dirigea vers le parc où tous les deux avaient l’habitude de se rendre et où son ami la laissait courir en liberté, heureuse. Román riait. Elle, entre courses et cabrioles, faisait aller de pair son bonheur avec la satisfaction de Román.

 

Elle erra dans le parc, sans succès ; Román était invisible. D’autres chiens, compagnons de jeux d’une période plus joyeuse, vinrent à sa rencontre. Les personnes qui la connaissaient la caressaient en lui prodiguant des regards empreints de tristesse. Nera n’en comprenait pas la signification. Elle déambula toute la journée à la recherche de son ami de cœur.

 

L’après-midi, en guise d’au revoir, se délestait, déjà, de la lumière et le crépuscule qui tenait le pinceau du temps commença à peindre le firmament d’un voile écarlate. Le rouge éclat de cet incendie contenu se déployait alentour. Nera ne fut pas effrayée par l’arrivée des ténèbres. Elle avait faim, elle avait soif. Où donc était passé Román ?

 

La maison paraissait un coffre-fort scellé. Seul le vide semblait en mouvement. La vie  avait disparu par la brumeuse ouverture du passé. L’amour qui avait palpité des milliers de fois n’était plus que la marque de la désolation.

 

Elle s’endormit sous la voiture.

 

Les journées s’enchaînaient et elle dans ce sillage stérile ne cédait pas au découragement qui redoublait aux frontières de la tentation.  Le néant, seul, répondait à son regard vague.

 

La pauvre, elle se nourrissait de ce qu’elle trouvait et elle buvait l’eau des flaques. Des journées resplendissantes firent leur apparition, mais le résultat était toujours le même : l’absence. Nera perdit de son élégance, ses os commencèrent à redessiner sa silhouette et sa démarche ne fut plus qu’une succession de mouvements saccadés. Les gens percevaient son drame et s’attristaient de la voir passer. Certains essayaient de gagner sa confiance, d’autres voulurent la recueillir afin de lui offrir un nouveau foyer. Mais elle ne transigeait pas. Son fouet agité en guise de bannière reconnaissante, elle poursuivait sa quête silencieuse. Mais ses forces étaient minées par la faiblesse et le tremblement de ses yeux n’était que cris d’angoisse.

 

Des chiens l’attaquèrent, Nera ne se défendait pas. Comment aurait-elle pu, en elle il n’y avait qu’amour ? Les enfants la pourchassaient en la caillassant, il y en eut même un, qui lui décocha un coup de pied, auquel elle répondit par un gémissement de douleur.

 

L’hiver arriva et avec lui, Noël. Les gens organisaient déjà la nuit familiale par excellence. Tout n’était que couleurs et les chants de Noël résonnaient de partout.

 

-       C’est Noël ? se demandait Nera. Je vois des enfants avec des petits chiens dans les bras  et ils jouent avec eux comme s’il s’agissait de nouveaux jouets. Ce sont peut-être les cadeaux de Noël ?

 

Engluée dans les toiles de la mémoire, plongée dans la brume de la fade réalité, Nera continuait de se torturer dans un passé perdu. Le soleil avait fait place à la lune. La chienne était seule, le désir la poussant et la peur la retenant. Román vivait dans les tréfonds de sa mémoire et une promesse faite de douces paroles retentissait sans bruit.

 

-       Jamais je ne t’abandonnerai !

 

L’inquiétante solitude, la peur persistante et les bruits effrayants l’escortaient dans sa marche inébranlable. Pourquoi Román n’était-il pas de retour ?

 

La nuit de Noël amena avec elle toutes les excentricités. Les familles engloutirent de copieux repas et au cours d’innombrables toasts échangèrent des vœux de bonheur. Dans le ciel jaillissaient les étincelles éternelles et au ras du sol le froid fouettait sans relâche.

 

Et cette odeur ? C’est l’odeur de Román ! répétait Nera en aiguisant son odorat.

 

Vint l’heure des adieux et la promesse de revenir l’an prochain.

 

-       Oui, c’est l’odeur de Román !

 

Dans la douce opacité, elle avança, comme guidée. L’alcool avait pris possession des lieux et les rires faisaient trembler la quiétude nocturne. Les gens commençaient à rentrer dans leur foyer.

 

-       Et ces lumières ? Pourquoi se dirigent-elles sur moi ?

 

Les lumières devenaient de plus en plus grandes à mesure qu’elles approchaient. Soudain, les voix se turent. On aurait dit que la vie était suspendue. Nera tenta d’échapper aux phares avant-coureurs de la voiture, mais elle allait si vite … Elle ressentit un coup violent ! Son hurlement retentit comme une musique alors que la voiture ivre prenait la fuite. La petite chienne gesticulait sur les pavés. Tantôt recroquevillé, tantôt raide son corps était saisi d’intenses convulsions. La main de la mort la saisissait. L’obscurité la baigna de sa houle silencieuse. De la voûte céleste, les étoiles regardaient, contrites.

 

Aux prises avec le désespoir, la souffrance était atroce. Ce n’était que le début ! Une odeur, pourtant, qui indiquait une direction disait d’attendre. Elle se redressa tant bien que mal. La faiblesse la tenaillait et ses pattes arrière ne répondaient plus. Un filet de sang perlait de sa gueule. Elle avait une côte cassée et toute cette partie était endolorie. Contrainte par son flair et l’épouvante  de plus en plus présente, elle se traîna. Quitte à ce que ses os ne se rompent, elle devait continuer. L’obscurité de ses ailes de cristal noircies voltigeait tout en la soutenant dans son effort martyr.

 

Le lendemain matin, 25 décembre, jour de Noël, on retrouva Nera, morte, sur la tombe de Román. Un vent gelé l’embrassait de sa cruelle étreinte. Tout n’était que paix. Román et Nera étaient ensemble. Et dans le vide de ce matin-là, on pouvait entendre portées par le vent les paroles d’une phrase :

 

-       Jamais je ne t’abandonnerai !

 

 

RICARDO MUÑOZ JOSÉ

http://linde5-otroenfoque.blogspot.com/2009/12/blog-post.html, traduit de l’espagnol par M.S.

 

© les animaux maltraités. Tous droits réservés.

 

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